Merci                        et                              pour ce dossier et son illustration !

 

Lorsque l’on commence à s’intéresser aux Syndromes d’Ehlers-Danlos et aux troubles du spectre de l’hypermobilité (HSD), le terme “proprioception” revient très régulièrement dans nos lectures.
La 1ère chose que l’on retient sur cette fameuse proprioception est qu’il s’agit du sens qui permet de connaître le positionnement de son corps dans l’espace. L’on comprend donc que lorsque la proprioception est déficitaire, le heurt d’obstacles est fréquent : chambranles de porte, coins de meuble, placards ouverts… les chocs sont réguliers dans le SED/HSD.

Mais la proprioception n’est pas que ça, bien au contraire.
De plus, la proprioception n’est pas seule à être altérée dans le corps d’une personne SED : tout le système somesthésique, notion bien plus étendue, est touché.

Nous allons tenter de vous expliquer de manière volontairement simplifiée, schématique, ce que recouvre le système somesthésique et en quoi comprendre son altération peut permettre de gérer son SED/HSD.

Le système somesthésique


Le système somesthésique, ou somato-sensoriel, collecte toutes les informations sensorielles provenant du corps.
Ces informations sensorielles proviennent de multiples capteurs :
– Des capteurs cutanés, qu’on appelle extérorécepteurs,
– Des capteurs proprioceptifs, qu’on appelle propriocepteurs : ils nous renseignent sur notre posture (position dans l’espace) sur nos sensations musculaires et squelettiques (position de nos membres par rapport à notre corps)
– Des capteurs internes appelés intérorécepteurs : ils renseignent sur la sensibilité viscérale, sur tout ce qui se passe à l’intérieur.

 

 

Où sont ces capteurs ? Partout !
– Extérorécepteurs : dans la peau, le derme, l’épiderme, autour de la racine du poil, dans les tissus conjonctifs sous-cutanés, ou dans les organes proches
– Propriocepteurs : dans les tendons, les ligaments, les muscles, l’oreille interne, mais également dans la peau
– Intérorécepteurs : dans les poumons, le coeur, l’appareil digestif, les glandes endocrines, etc.

Ces capteurs donnent des informations sensorielles, mais lesquelles ?
Les récepteurs sensoriels permettent à l’organisme de recueillir les informations sous toutes ses formes et de réagir aux stimuli, qu’ils soient externes ou internes. Les récepteurs sensoriels s’activent dès qu’un stimulus est perçu : l’information est alors transmise.

Les capteurs ont un nom différent en fonction du type de stimulus auxquels ils réagissent. Par exemple, les mécanorécepteurs indiquent les informations tactiles, du toucher, de la vibration, de la pression, des modifications mécaniques. Les thermorécepteurs indiquent les modifications de température, les barorécepteurs indiquent la pression sanguine. Bien d’autres capteurs existent : osmorécepteurs (odeurs), nocicepteurs, récepteurs vestibulaires, etc.

La proprioception


La proprioception désigne l’ensemble des récepteurs, voies et centres nerveux impliqués dans la perception, consciente ou non, de la position relative des parties du corps.
Cela implique :

– une proprioception inconsciente, d’adaptation très rapide, dans les phénomènes statiques ou dynamiques comme :

  • le contrôle de la contraction musculaire
  • les ajustements posturaux et la station debout.

Les ajustements posturaux dépendent, en grande partie, des fuseaux neuromusculaires.
La station debout utilise des entrées visuelles, vestibulaires, proprioceptives et tactiles (récepteurs de la plante des pieds sensibles à la pression et à la température).

– une proprioception consciente qui est à la base de notre ” schéma corporel ” :

  • positions et mouvements articulaires,
  • sensations musculaires et tendineuses,
  • perception de l’orientation du corps, des membres et de la tête,
  • équilibre.


De fait, la proprioception correspond à la sensibilité à la position, au mouvement et à la force.

l – La sensibilité à la position nous informe des angles formés par chacune de nos articulations, et donc de la position relative de nos membres entre eux et par rapport au corps.
2 – La sensibilité au mouvement correspond à une sensation de vitesse, de direction et d’amplitude. Les seuils de sensibilité pour ces trois paramètres sont plus faibles dans les articulations proximales (épaule) que dans les articulations distales (main).
3 – La sensibilité à la force se superpose à la sensibilité à la pression (étirement de la peau et pression exercée par un objet à porter). Il est donc difficile de distinguer l’information en provenance des propriocepteurs de celle provenant des mécanorécepteurs cutanés.

Et en français clair, ça veut dire quoi ?
La proprioception est un sens indispensable pour le maintien de nos postures, pour nous déplacer, pour coordonner nos mouvements.
La proprioception permet de contrôler nos membres sans les regarder directement. Elle permet d’ajuster la pression de nos membres sur les objets que nous tenons, d’ajuster la force musculaire nécessaire dans nos gestes.

Que se passe-t-il quand le système proprioceptif dysfonctionne ?

 

Si ces sensibilités sont déformées ou dysfonctionnent, envoient des informations erronées, de nombreuses réponses 
corporelles seront inadaptées. Les sensations corporelles internes ou externes ne parviennent pas ou sont déformées
et trompeuses.
– Les subluxations d’articulation sont certes dues à une hyperlaxité, mais également à un défaut de sensibilité à
la position ou défaut de perception des forces musculaires nécessaires pour le mouvement entrepris ;
– Le lâchage inopiné d’objets serait dû à un défaut de perception de pression nécessaire ;
– La maladresse : poser son verre en bord de table, verser l’eau de la carafe à côté du verre, porter la fourchette
à la bouche et la manquer ;
– Se mordre constamment la joue ;
– Se prendre les chambranles de porte, abîmer les manches de ses vêtements en les accrochant systématiquement dans
les clenches de porte ;
– Les dérobements. Combien de fois avons-nous dit : “mes jambes ont lâché, ma cheville a lâché”… ?
– Les chutes sont fréquentes, majorées dans le noir.
– Certains patients rapportent leur difficulté parfois à tout simplement percevoir leurs membres. Tout à coup, ils
ne sentent plus leur corps ou une partie de leur corps dans l’espace.
– La perte de sensations est telle parfois qu’on se trouve devant des tableaux de pseudo paralysies d’un ou
plusieurs membres (avec une imagerie normale).

Cela affecte également la mémoire de tous ces mouvements.

Note Bene : nous ne rentrons pas, pour le moment, dans le détail des symptômes liés à cette dysproprioception.                                             Nous restons volontairement fixés sur une présentation de ce que vous percevez déjà.

La prise en charge du déficit proprioceptif

 

La prise en charge du déficit proprioceptif peut passer par de multiples modalités.

Le port de vêtements compressifs

Comprimer les tissus trop souples, trop “mous” à l’aide de vêtements compressifs permet aux capteurs proprioceptifs et somesthésiques de réagir de façon plus appropriée.
Les vêtements ont un effet antalgique indirect en améliorant la proprioception mais aussi un effet anti-douleur direct en provoquant des sensations tactiles qui vont inhiber les influx douloureux par « gate control » à l’instar de la chaleur et du massage.
D’où l’importance de porter ses compressifs lors des séances de kinésithérapie : votre corps a besoin de ce soutien pour envoyer les bonnes informations et ainsi réhabituer le cerveau à recevoir des informations correctes et à régir de façon adaptée.
L’étude de Dupuy et al. (2017) conclut que le port prolongé à long terme des vêtements compressifs et des orthèses plantaires stimule et préserve à la fois les récepteurs somato-sensoriels. Cela développe et consolide ainsi le réseau neuronal et ancre une stratégie sensori-motrice plus équilibrée, facilitant ainsi le contrôle postural, qui à son tour tend à devenir plus stable.
C’est donc un indispensable lorsque les vêtements sont supportés (les patients atteints d’un SAMA signalent souvent une intolérance au contact du tissu).

La kinésithérapie

La rééducation sensitivo-motrice passe par une perception consciente de son corps et de ses mouvements.
Les techniques passives peuvent aider à remobiliser les capteurs et lever les tensions musculaires gênant le mouvement : massages, pressothérapie, técarthérapie, physiothérapie, endermothérapie… L’auto-massage est également à adopter.
Les techniques actives telles que réentraînement adapté à l’effort, rééducation sur Huber ou Imoove, technique Mezières, Maitland…
Attention, la kinésithérapie ne doit jamais provoquer de crises. Les exercices doivent être faits avec le port des vêtements compressifs, des semelles, et si besoin des orthèses pour favoriser le mouvement en sécurité et en confiance, avec une proprioception au mieux.

Les semelles orthopédiques

Ces orthèses plantaires permettent la stimulation des capteurs podaux. La plante du pied est d’une extrême richesse en mécanorécepteurs articulaires, musculaires et surtout cutanés.
Ces capteurs de pression très sensibles sont situés sous la plante des pieds. Ils sont chargés d’analyser les variations de pression exercées par le corps sur les différentes parties du pieds et donc d’analyser la position du corps (corps incliné en avant, par exemple).
Les orthèses plantaires vont modifier la perception du sol et par là-même aider à ré-équilibrer le travail des muscles engagés dans la régulation de la posture. De fait, elles vont aider à diminuer les contractures musculaires de la partie inférieure du corps.

D’autres modalités de prise en charge sont à explorer

– La rééducation orthoptique
– La prise en charge en psychomotricité
– La correction de dysfonctionnements des capteurs buccaux : rééducation d’une déglutition atypique, correction de l’occlusion dentaire si nécessaire
– La prise en charge globale du Syndrome de DysProprioception selon le protocole du Dr Quercia.

De nombreuses pistes sont à explorer et même si aucune ne permettra de supprimer les troubles proprioceptifs, chaque prise en charge peut aider à améliorer la proprioception et donc diminuer les tensions musculaires, diminuer les chutes, améliorer l’équilibre et diminuer la fatigue générale.